EXTRAIT DU JOURNAL DE TANTA
MENDIANT
La poésie s'est-elle trop éloignée de la vie ?
Mes lèvres sont couvertes de piments
Qui oserais-je embrasser ?
Les pieds nus,
Assis sur ce nuage de terre,
Oserais-je échanger ces poèmes
Contre un peu de riz ?
Ce riz apaisera-t'il la brûlure de mes lèvres
Quand je lèverai mon visage vers vous ?
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Les rivières épousent les rives
Toutes les nuits nous dormons
Dans la terre qui s'effrite,
Seuls à chaque fois.
Comment ai-je pu oublier
Le chant du rossignol,
Sa langue de sorcière ?
Est-ce à cause de l'obscurité
Qui habite au fond de ma gorge ?
À travers les branches des arbres,
C'est ton sang insatiable qui coule.
Le ciel est trop bas pour nous :
J'ai essayé de le pousser, pourtant !
Le monde est mal fait :
Tant d'amour et si peu de place !
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Ces quelques poèmes suffiront-ils pour que je supporte encore un peu la folie du monde ?
C'est une porte minuscule, tout en haut de la pièce. Je peux à peine l'atteindre.
Ce matin Noé et la colombe becquetaient ensemble du grain dans la main de dieu, sur la table de la cuisine, entre le Nutella et le fromage de chèvre. Mes filles ont de suite voulu voir la girafe et l'éléphant. Moi, la méduse et la paramécie
C'est une porte minuscule dans ma chaussure. Des orteils me poussent tous les jours. Ils s'en vont se promener et certains se transforment en brins d'herbe, d’autres s’excusent d’être là, d’autres, petits poissons, descendent jusqu’au cœur obscur de notre monde.
C'est une porte minuscule près de laquelle dorment des sous-marins nucléaires, des capitaines ivres, des noyés. Leurs lèvres gercées d’amour récitent de si beaux poèmes. Et la danse des algues.
Des fois il suffit que quelqu'un s’arrête ou ne s’arrête pas pour laisser traverser quelqu’un.
Ces quelques poèmes suffiront-ils pour que je supporte encore un peu la folie du monde ?
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